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longue haleine. Dom Mabillon (ib., p. 212-215) l'ayant déterrée dans un manuscrit de l'abbaye de S. Germain des Prés, l'a donnée au public dans le II volume de ses Analectes. L'auteur y décrit assez en détail, quoiqu'en peu de mots, la manière de construire les sphères, détail, au reste, qui fait voir que l'usage n'en était pas fort commun en France. Pour avoir tout ce que Gerbert a écrit sur ce sujet et qui est venu jusqu'à nous, il faut joindre à la lettre précédente celle qu'il adresse à Remi moine de Trèves, et dans laquelle il parle aussi de la structure de la sphère qu'il représente comme un travail pénible. On voit par cette lettre qu'on employait le tour pour façonner la sphère et le cuir de cheval pour la couvrir. Notre philosophe y

travaillait lui-même, quelqu'occupé qu'il fût d'ailleurs.

9o Gerbert a aussi écrit sur quelque partie de la dialectique. Mais il ne l'a fait que par occasion, comme on va le voir, et non à titre de professeur qui donnerait des leçons de cette science. On a de lui un petit traité qu'il a composé sur une difficulté tirée de Porphyre, et qui regarde les prédicaments (PEZ. ib. t. II, par. II, p. 151). Il s'y agit proprement de savoir si raisonnable et raisonnant on la même étendue, ou, pour parler en dialecticien, la même puissance (p. 149-150). C'est ce qui a fait intituler cet écrit: De rationali et ratione uti. Il est dédié à l'empereur Otton III, par une épître qui nous apprend en quel temps et à quelle occasion il fut

composé.

Pendant l'été de 997, ce prince se trouvant en Italie, où il se préparait à la guerre contre les Windes que Gerbert nomme Sarmates, il avait à sa suite plusieurs savants, du nombre desquels était Gerbert, et se plaisait à leur proposer des questions subtiles et épineuses de philosophie (MAB. ib. t. I, in fin.). Personne n'y ayant répondu d'une manière satisfaisante, il enjoignit à Gerbert de résoudre celle qui regardait le raisonnable et le raisonnant. Celui-ci ne put l'exécuter sitôt pour cause de maladie. Mais, après avoir recouvré la santé, il le fit par le petit ouvrage dont il s'agit ici. Il y entre dans une longue et sérieuse discussion, qu'il appuie tant de l'autorité des anciens philosophes que de ses propres

raisonnements, et d'une figure pour rendre la chose plus sensible. Mais il faut avouer que la difficulté n'en valait pas la peine. Aussi Gerbert s'est-il cru obligé de s'excuser, à la fin de son écrit, d'avoir entrepris de traiter un sujet peu convenable à la gravité épiscopale, dont il était revêtu. S'il le fit, ce ne fut que par le désir de plaire à l'empereur, qui s'occupait alors d'un genre d'étude auquel la question discutée n'était pas étrangère.

Le meilleur morceau de tout l'écrit est l'épître dédicatoire. Outre les traits historiques que nous en venons de rapporter, et dont quelques-uns sont fort glorieux à la mémoire d'Otton III, elle sert à faire connaître l'habileté de l'auteur à faire sa cour

aux grands. C'est aussi l'unique partie de l'ouvrage, que dom Mabillon (ib., p. 121-123) avait jugee digne de l'attention du public, s'étant borné à la faire imprimer seule, quoiqu'il eût l'écrit en entier. Mais comme son exemplaire n'exprimait le nom de l'auteur et celui du Mécène que par les lettres initiales, il crut que l'écrit pouvait appartenir à Gebehard, évêque d'Ausbourg, qui était aussi du voyage d'Italie dont on a parlé. Ayant acquis toutefois, dans la suite, plus de lumières sur ce point, il reconnut que c'était un ouvrage de Gerbert (Ibid., in fin. t. II, p. 215). C'est ce qui a été vérifié depuis par l'édition que dom Bernard Pez a donnée de l'écrit en entier sur un manuscrit de l'abbaye de Tégérensée en Bavière, ancien de six cents ans, dans lequel les noms

de Gerbert et de l'empereur Otton sont écrits tout au long (PEZ, ib. diss., p. 69, n. 3). Ils sont exprimés de la même manière dans un autre manuscrit de même âge, appartenant à l'abbaye de saint Emmeran, qui contient le même traité.

10o A la fin de l'ouvrage, dans ce dernier manuscrit, se lisent douze vers élégiaques, que l'éditeur a fait imprimer à la tête (Ibid., t. I, par. II, p. 149, 150). C'est une prosopopée, où le poëte fait faire à la philosophie un grand éloge de l'écrit, comme propre à s'avancer promptement dans les voies de la sagesse. Dom Pez ne doute point que ces vers, qui sont tolérables et meilleurs qu'une infinité d'autres de ce temps-là, ne soient de la façon de Gerbert. Nous en prendrons occasion de parler des

autres poésies de notre philosophe, suivant la connaissance que nous pouvons en avoir.

Il y a de lui une autre épigramme en douze vers héroïques sur le portrait du célèbre Boëce, que d'habiles connaisseurs regardent comme une pièce trèsélégante (CAVE, p. 512; OLEAR., bib., par. II, p. 181). Ce n'est pas sans raison; et l'on peut ajouter qu'on ne ferait pas déshonneur aux poëtes des bons siècles de la compter au nombre de leurs productions. Cette epigramme seule vaut mieux, pour le bon goût, l'énergie, la noblesse des termes et les autres beautés de la poésie, que toutes les autres pièces de vers qu'ont enfantées le siècle de Gerbert et les deux suivants. Aussi ne l'a-t-on pas jugée indigne d'occuper une place dans le Recueil des petites poésies

des anciens où elle est imprimée (ep. et poes. vet., l. II, p. 65). De là on l'a fait passer dans les dernières éditions des Annales de Baronius, pour compléter l'éloge de Boëce. Elle se trouve nommément dans l'édition de 1658, à l'année 526, page 117. Le portrait de ce philosophe, qui donna occasion à cette épigramme, était celui qu'Otton III avait dans son cabinet. On voit par-là que l'auteur la composa lorsqu'il se fut retiré près de cet empereur.

Elle a été sans doute inconnue à un savant de nos jours, qui ne parle de la versification de Gerbert qu'avec un souverain mépris (GOUJ. Etat des sciences, p. 72). Il n'est pas plus heureux, lorsqu'il fait parler notre philosophe en ces termes: Je n'ai jamai