Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité/Livre IV

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Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité
Livre IV
Traduction française de Charles Zévort
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LIVRE IV.


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CHAPITRE PREMIER.


SPEUSIPPE.

Voilà tous les détails que j’ai pu réunir au sujet de Platon, après avoir parcouru avec soin ce qu’on a écrit sur son compte[1].

Speusippe de Myrrhina, dème de l’Attique, était fils d’Eurymédon et de Potone, sœur de Platon. Il succéda à ce philosophe à la tête de l’Académie, et la dirigea dix ans, à partir de la cent huitième olympiade[2]). C’est lui qui fit placer dans l’école de Platon, à l’Académie, les statues des Grâces. Fidèle aux doctrines de son maître, il n’imita point la sévérité de ses mœurs ; car il était colère et voluptueux : on rapporte entre autres choses qu’il lui arriva un jour, dans un accès de colère, de jeter un petit chien dans un puits, et que l’amour du plaisir l’attira en Macédoine, aux noces de Cassandre.

Lasthénie de Mantinée et Axiothée de Phlionte, disciples de Platon, passent pour avoir aussi suivi ses leçons. Denys lui dit malignement à ce sujet, dans une lettre : « Nous pouvons apprendre la philosophie de l’Arcadienne, ton élève ; au reste, Platon n’exigeait rien de ses disciples ; toi, tu lèves l’impôt et rançonnes tout le monde, bon gré, mal gré. »

Il est le premier, suivant Diodore, au premier livre des Commentaires, qui ait considéré les sciences dans leurs rapports communs et se soit efforcé de montrer leur enchaînement mutuel. C’est lui aussi, suivant Cénée, qui a le premier publié les opinions secrètes de Socrate[3] ; c’est lui enfin qui a inventé l’art de faire des tonneaux avec des douves de bois mince.

Perclus par une paralysie, il manda Xénocrate et le chargea de lui succéder dans son école. On rapporte que, se faisant un jour traîner à l’Académie dans un char, il rencontra Diogène et lui cria : « Salut ; » à quoi celui-ci répondit : « Je ne t’en dirai pas autant, toi qui te résignes à vivre dans un pareil état. » À la fin cependant le courage lui manqua et il se donna la mort dans un âge avancé. J’ai fait sur lui ces vers :

Si je ne savais, à n’en pas douter, comment mourut Speusippe, jamais je n’aurais pu le croire : non ! il n’était point du sang de Platon ; car il n’aurait pas eu la pusillanimité de se donner la mort pour une cause si légère.

Plutarque dit, dans les vies de Lysandre et de Sylla, qu’il mourut d’une maladie pédiculaire[4]. Timothée assure aussi, dans les Vies, que tout son corps tombait en dissolution. Il ajoute que Speusippe dit un jour à un homme riche, amoureux d’une femme laide : « Qu’as-tu besoin de celle-là ? pour dix talents je t’en trouverai une plus belle. »

Il a laissé une foule de commentaires et de nombreux dialogues, entre autres : Aristippe de Cyrène ; de la Richesse, un livre ; de la Volupté, I ; de la Justice, I ; de la Philosophie, I ; de l’Amitié, I ; des Dieux, I ; le Philosophe, I ; à Céphalus, I ; Céphalus, I ; Clitomachus, ou Lysias, I ; le Citoyen, I ; de l’Âme, I ; à Gryllus, I ; Aristippe, I ; Tableau des arts, I ; Commentaires dialogués ; des Arts, I ; Dialogues sur les choses qui se traitent de la même manière, X ; Divisions et arguments sur les choses semblables ; des Genres et des espèces d’exemplaires ; Contre l’ouvrage intitulé : de l’Absence des témoins ; Éloge de Platon ; Lettres à Dion, Denys et Philippe ; sur la Législation ; le Mathématicien ; Mandrobulus ; Lysias ; Définitions ; suite de Commentaires. En tout, quarante-trois mille quatre cent soixante-quinze lignes.

Simonide lui a dédié ses Histoires de Dion et Bion. Phavorinus dit, au second livre des Commentaires, qu’Aristote acheta les livres de Speusippe moyennant trois talents.

Il y a eu un autre Speusippe, d’Alexandrie, médecin de l’école d’Hérophile.




CHAPITRE II.


XÉNOCRATE.

Xénocrate de Chalcédoine, fils d’Agathénor, fréquenta dès sa jeunesse l’école de Platon et le suivit en Sicile. Il avait l’esprit lent ; aussi Platon disait-il souvent de lui, en le comparant à Aristote : « Celui-ci a besoin de frein, et celui-là d’éperon ; » ou bien encore : « Quel cheval ! et quel âne je dresse contre lui ! » Du reste, Xénocrate était grave et sévère ; de là ce conseil que lui donnait souvent Platon : « Xénocrate, sacrifie aux Grâces. »

Il passa la plus grande partie de sa vie à l’Académie.

Lorsque par hasard il se rendait à la ville, les gens turbulents et les débauchés se rangeaient pour le laisser tranquillement passer. Un jour, la courtisane Phryné voulant l’éprouver, feignit d’être poursuivie et se réfugia dans sa chambre. Il la reçut par humanité, et, comme il n’avait qu’un seul lit, il lui en céda la moitié, à sa demande. Mais elle eut beau employer sur lui toutes ses séductions, il lui fallut partir comme elle était venue ; et lorsqu’on lui demanda le résultat de ses tentatives, elle répondit : « Ce n’est pas à un homme que j’ai eu affaire, mais à une statue. » D’autres prétendent que ses disciples avaient mis dans son lit la courtisane Laïs. On assure d’un autre côté que, pour se maintenir dans cette chasteté rigide qu’il s’était imposée, il lui arrivait souvent de se soumettre volontairement à des opérations douloureuses. Sa bonne foi était si bien connue, que pour lui seul les Athéniens admirent une exception à la loi qui ordonnait de prêter serment avant de rendre témoignage. La simplicité de ses goûts n’était pas moins remarquable : Alexandre lui ayant fait passer une somme considérable, il préleva seulement trois mille drachmes attiques et renvoya le reste, en disant qu’Alexandre avait plus besoin d’argent que lui, puisqu’il avait plus de monde à nourrir. Myronianus rapporte également, dans les Faits semblables, qu’il refusa un présent d’Antipater. Vainqueur dans la fête annuelle des Choées[5], et honoré d’une couronne d’or proposée par Denys à celui qui aurait le premier vidé sa coupe, il la déposa en sortant aux pieds d’un Hermès qui était à la porte, et auquel il avait coutume d’offrir des couronnes de fleurs.

Il fit partie, dit-on, d’une ambassade envoyée à Philippe ; mais tandis que ses compagnons acceptaient des festins du roi, dont les largesses les avaient gagnés, et avaient avec lui des conférences particulières, Xénocrate se tint à l’écart ; aussi Philippe ne lui fit-il aucun accueil. De retour à Athènes, les ambassadeurs se plaignirent de ce que Xénocrate n’avait été pour eux d’aucune utilité, et déjà même on se disposait à le punir, lorsqu’il déclara que les Athéniens devaient plus que jamais veiller sur la république : « Vos ambassadeurs, dit-il, ont été gagnés par Philippe, et seul je me suis montré inaccessible à ses séductions. » De ce moment on l’estima deux fois davantage. Philippe, lui-même, avoua dans la suite que, de tous ceux qu’on lui avait envoyés, Xénocrate était le seul que les présents n’eussent pu corrompre.

Dans une autre circonstance, il fut chargé d’aller auprès d’Antipater réclamer les Athéniens faits prisonniers dans la guerre lamiaque ; ce prince l’ayant invité à un repas, il répondit par ces vers :

Ô Circé, quel homme sensé pourrait consentir à prendre aucune nourriture et aucune boisson, avant d’avoir affranchi ses compagnons et de les voir libres[6] ?

Antipater accueillit favorablement cette adroite prière et élargit les prisonniers.

Un moineau poursuivi par un épervier étant venu se réfugier dans son sein, il le caressa doucement, et le danger passé, il le renvoya en disant qu’il ne fallait pas livrer un suppliant.

Insulté par Bion, il lui déclara qu’il ne lui répondrait pas ; — « car la tragédie, dit-il, lorsqu’elle est injuriée par la comédie, ne la juge pas digne d’une réponse. »

Un homme qui ne connaissait ni la musique, ni la géométrie, ni l’astronomie, lui ayant demandé à suivre ses leçons, il lui dit : « Va-t’en ; tu n’as pas les anses qui servent à prendre la philosophie. » Suivant une autre version, il lui aurait répondu : « On ne carde pas la laine chez moi[7]. »

Denys dit un jour à Platon : « On te fera couper la tête. » Xénocrate qui était présent reprit aussitôt, en montrant la sienne : « Ce ne sera pas du moins avant d’avoir coupé celle-ci. »

Une autre fois, Antipater étant venu à Athènes alla le saluer ; mais, avant de lui répondre, Xénocrate acheva tranquillement le discours qu’il avait commencé.

Il était exempt de toute vanité, méditait plusieurs fois le jour, et ne manquait jamais, dit-on, de consacrer une heure au silence et à la retraite.

Il a laissé un nombre prodigieux d’ouvrages, des poésies, des exhortations, etc… En voici les titres : de la Nature, six livres ; de la Sagesse, VI ; de la Richesse, I ; l’Arcadien, I ; de l’Indéfini, I ; de l’Enfant, I ; de la Continence, I ; de l’Utilité, I ; de la Liberté, I ; de la Mort, I ; de la Volonté, I ; de l’Amitié, II ; de la Modération, I ; du Contraire, II ; du Bonheur, II ; de l’Art d’écrire, I ; de la Mémoire, I ; de la Fausseté, I ; Calliclès, I ; de la Prudence, II ; Œconomique, I ; de la Tempérance, I ; du Pouvoir de la loi, I ; de la République, I ; de la Sainteté, I ; que la vertu peut s’enseigner, I ; de l’Être, I ; de la Destinée, I ; des Passions, I ; Vies, I ; de la Concorde, I ; des Disciples, II ; de la Justice, I ; de la Vertu, II ; des Espèces, I ; de la Volupté, II ; de la Vie, I ; du Courage, I de l’Unité, I ; des Idées, I ; de l’Art, I ; des Dieux, II ; de l’Âme, II ; de la Science, I ; le Politique, I ; de l’Instruction, I ; de la Philosophie, I ; sur la doctrine de Parménide, I ; Archédémus, ou de la Justice, I ; du Bien, I ; de la Pensée, VIII ; Solution des difficultés relatives au raisonnement, X ; Leçons sur la nature, VI ; Sommaire, I ; des Genres et des Espèces, I ; Doctrine pythagoricienne, I ; Solutions, II ; Divisions, VIII ; Thèses, XX, XLIII ; différents traités de la Discussion, XIV, XL, I, II, DCC, XL[8] ; viennent ensuite quinze livres sur l’Art de la diction, et dix-sept autres sur le même sujet ; sur le Raisonnement, IX ; de la Pensée, deux livres, différents de ceux déjà cités ; sur les Géomètres, V ; Commentaires, I ; des Contraires, I ; des Nombres, I ; Théorie des nombres, I ; des Distances, I ; sur l’Astronomie, VI ; Éléments, à Alexandre, sur la Royauté, IV ; à Arybas ; à Ephestion ; sur la Géométrie, II. En tout, deux cent vingt mille deux cent trente-neuf lignes[9].

Quelque illustre que fût Xénocrate, les Athéniens le vendirent cependant à l’encan, parce qu’il ne pouvait payer le tribut des métèques[10]. Démétrius de Phalère l’acheta, et par là il rendit service en même temps à Xénocrate et aux Athéniens : à Xénocrate, en lui rendant la liberté ; aux Athéniens, en leur payant le tribut. Ces détails sont empruntés à Myronianus d’Amastria, livre premier des Chapitres historiques semblables.

Xénocrate succéda à Speusippe sous l’archontat de Lysimachus, la seconde année de la cent dixième olympiade[11], et fut pendant vingt-cinq ans à la tête de l’Académie. Il se heurta la nuit contre un bassin et mourut sur le coup, à l’âge de quatre-vingt-deux ans. J’ai fait sur lui cette épigramme :

Xénocrate, cet homme illustre entre tous, heurte un bassin d’airain, se blesse au front, pousse un long cri plaintif et meurt à l’instant.

Il y a eu cinq autres Xénocrate : le premier est un tacticien fort ancien ; le second était concitoyen et parent de notre philosophe. On a de lui un discours intitulé Arsinoétique, sur la mort d’Arsinoé ; le troisième est un philosophe, auteur d’une élégie peu goûtée. — Cela se conçoit : quand les poètes s’essayent à écrire en prose, ils réussissent aisément ; mais quand les prosateurs abordent la poésie, ils échouent ; ce qui prouve que le talent du poëte est un don de la nature, et celui du prosateur un résultat de l’art. — Le quatrième est un statuaire, et le cinquième un poète lyrique cité par Aristoxène.


CHAPITRE III.


POLÉMON.

Polémon, fils de Philostrate, était Athénien, du dème d’Œé. Jeune, il s’abandonnait sans réserve à ses passions ; son incontinence était telle qu’il portait toujours de l’argent sur lui pour être à même de satisfaire à son gré ses désirs ; il en cachait même dans les carrefours pour cet usage, et l’on trouva une fois jusque dans l’Académie, au pied d’une colonne, trois oboles qu’il y avait mises en réserve dans le même but.

Un jour il se réunit à d’autres jeunes gens, et se précipita, ivre, une couronne sur la tête, dans l’école de Xénocrate ; mais celui-ci, sans se déconcerter, continua son discours qui roulait sur la tempérance ; Polémon, séduit peu à peu par ses paroles, montra dès lors une telle ardeur qu’il surpassa tous ses compagnons et succéda à Xénocrate, la cent seizième olympiade[12]. Antigonus de Caryste dit, dans les Vies, que son père était le premier citoyen de sa bourgade, et qu’il envoyait des chars concourir aux jeux publics[13]. Il ajoute que Polémon eut à repousser en justice les imputations de sa femme qui l’accusait d’avoir des relations avec des jeunes gens ; mais qu’il réforma si bien ses mœurs et prit un tel empire sur lui-même à partir du moment où il se livra à la philosophie, que, dès lors, on ne vit jamais la moindre altération sur son visage : sa voix même ne trahissait jamais aucune émotion, et c’est là ce qui lui gagna Crantor. Un chien lui ayant un jour déchiré le mollet, il ne pâlit même pas. Une autre fois, une sédition s’étant élevée dans la ville, il demanda tranquillement ce qui se passait et resta indifférent. Il n’était pas moins impassible au théâtre : Nicostrate, celui qu’on appelait Clytemnestre, ayant récité une composition poétique devant lui et devant Cratès, ce dernier fut vivement ému ; mais Polémon demeura comme s’il n’avait rien entendu. En un mot, il possédait au plus haut degré les qualités que réclame Mélanthius le peintre, dans le traité de la Peinture. Il dit en effet qu’il doit y avoir dans les œuvres d’art, aussi bien que dans les mœurs, une certaine rigidité, une certaine dureté de touche.

Polémon prétendait qu’il faut s’exercer à l’action et non aux spéculations dialectiques : il disait que, quand on est devenu habile dans ce dernier art, quand on a pris ce breuvage agréable, mais tout factice, on peut bien briller dans la discussion, mais non mettre de l’harmonie dans sa conduite et dans son caractère. Il était affable, généreux, et évitait ce qu’Aristophane reproche à Euripide : « Un discours parfumé et musqué[14], » ce qui n’est, suivant le même auteur,

Qu’une chair flasque et mollasse, au prix d’un bon morceau succulent[15].

Il ne discutait jamais assis, mais répondait en se promenant aux questions qu’on lui adressait. La noblesse de ses sentiments lui avait concilié l’estime universelle à Athènes. Cependant il vivait isolé, se renfermant dans son jardin, auprès duquel ses disciples s’étaient construit de modestes demeures, à portée de son école.

Polémon paraît avoir pris pour modèle en tout Xénocrate, auquel il avait lui-même inspiré une vive passion, suivant Aristippe, au quatrième livre de la Sensualité antique. Il avait sans cesse à la bouche le nom de Xénocrate, et, semblable à une maison dorienne, grave et sévère, il s’était paré de la pureté, de la gravité, de la sévérité de son maître. Il aimait beaucoup Sophocle, surtout dans les passages où, suivant l’expression d’un comique, il paraît avoir eu pour collaborateur un chien molosse ; dans ceux où il ne verse pas.

Un vin doux et mélangé, mais un vin généreux de Pramnos.

Aussi disait-il qu’Homère était un Sophocle épique et Sophocle un Homère tragique.

Il mourut d’épuisement, dans un âge avancé, laissant un assez grand nombre d’ouvrages.

J’ai fait sur lui ces vers :

Passant, n’entends-tu pas ? je couvre Polémon qu’a conduit ici un mal cruel, l’épuisement. Que dis-je ? ce n’est pas Polémon, car il n’a laissé que son corps à la terre au moment où il s’est élancé vers les astres.


CHAPITRE IV.


CRATÈS.

Cratès, fils d’Antigène, était originaire du dème de Thria[16]. Disciple de Polémon et tendrement aimé de lui, il lui succéda à la tête de son école. Telle était leur amitié réciproque que non-seulement ils eurent mêmes goûts, mêmes études pendant leur vie, mais qu’ils furent presque jusqu’au dernier soupir comme le modèle vivant l’un de l’autre, et partagèrent le même tombeau après leur mort. Aussi Antagoras les a-t-il réunis dans l’épitaphe suivante :

Passant, sache que ce monument couvre le sublime Cratès et Polémon, deux âmes animées d’une même pensée, deux grands cœurs ! Leur bouche divine ne fit jamais entendre que de saintes paroles, et une conduite pure, formée par la sagesse, réglée par des dogmes immuables, les a préparés à la vie céleste.

On rapporte qu’Arcésilas, lorsqu’il quitta Théophraste pour Polémon et Cratès, disait d’eux que c’étaient des dieux ou des débris de l’âge d’or. Ils ne recherchaient point la faveur populaire, et on pourrait leur appliquer ce que le joueur de flûte Dionysodore disait avec orgueil de lui-même : que, semblable à Isménias, il n’avait jamais prostitué son art dans un carrefour ou auprès d’une fontaine.

Cratès était, suivant Antigonus, commensal de Crantor, et tous deux vivaient dans l’intimité d’Arcésilas. Ce dernier habitait avec Crantor, tandis que Polémon et Cratès demeuraient avec Lysiclès, citoyen d’Athènes. Antigonus ajoute que Polémon aimait Cratès, ainsi que je l’ai déjà dit, et que Crantor était épris d’Arcésilas.

Cratès laissa en mourant, au dire d’Apollodore, dans le troisième livre des Chroniques, des ouvrages philosophiques, des traités sur la comédie, des harangues populaires et des discours d’ambassade. Il eut des disciples illustres, entre autres Arcésilas, dont nous parlerons tout à l’heure, — car il suivit aussi ses leçons, — et Bion de Borysthène, surnommé le Théodorien lorsqu’il eut embrassé les doctrines de Théodore ; nous parlerons aussi de lui, immédiatement après Arcésilas.

Il y a eu dix Cratès : le premier est un poëte de l’ancienne comédie ; le second un rhéteur de Tralles, de l’école d’Isocrate ; le troisième un ingénieur de la suite d’Alexandre ; le quatrième est le cynique dont nous parlerons par la suite ; le cinquième un péripatéticien ; le sixième est le philosophe de l’Académie dont il vient d’être question ; le septième est un grammairien, de Mallos ; le huitième a écrit sur la géométrie ; le neuvième est un poëte épigrammatiste, et le dixième un philosophe académicien originaire de Tarse.


CHAPITRE V.


CRANTOR.

Crantor, de Soles, jouissait d’une haute estime dans sa patrie lorsqu’il la quitta pour aller à Athènes, où il eut Xénocrate pour maître et Polémon pour compagnon d’étude. Il a laissé des commentaires qui ne forment pas moins de trente mille lignes, et dont certaines parties ont été quelquefois attribuées à Arcésilas. Quelqu’un lui demandait ce qui l’avait séduit dans Polémon, il répondit : « C’est que je ne l’ai jamais entendu élever ni baisser la voix. »

Étant tombé malade, il se retira dans le temple d’Esculape, et là il se mit à se promener ; mais à peine y était-il que de toutes parts on accourut à lui, dans la persuasion qu’il n’était pas malade, et qu’il voulait établir une école dans le temple. Arcésilas y vint de son côté, et quoiqu’il fût ami de Crantor, comme nous le verrons dans la Vie d’Arcésilas, il le pria néanmoins de le recommander à Polémon. Crantor fit mieux : aussitôt après son rétablissement il alla lui-même suivre les leçons de Polémon, ce qui accrut encore l’estime qu’on avait pour lui. On dit qu’il laissa à Arcésilas tout son bien, montant à douze talents. Interrogé par lui sur le lieu où il voulait être enterré, il répondit :

Il convient d’être enseveli dans le sein de la terre chérie.

On dit qu’il avait composé des ouvrages poétiques, qu’il déposa cachetés dans le temple de Minerve, à Soles, sa patrie. Le poëte Théétète a fait son éloge en ces termes :

Chéri des hommes, mais plus cher encore aux Muses,
Crantor n’a pas connu la vieillesse.
Ô terre, reçois cet homme divin après sa mort,
Et que même ici il vive en paix.

Homère et Euripide étaient ses poëtes favoris. Il disait que la chose la plus difficile dans un ouvrage, c’est d’être tragique et d’exciter la pitié sans sortir du naturel. Il citait avec complaisance ce vers de Bellérophon :

Malheureux que je suis ! Mais pourquoi me plaindre ? Mes maux sont inhérents à la nature humaine.

On a attribué à Crantor les vers suivants du poëte Antagoras, sur l’amour :

Mon esprit incertain ne sait que décider : Amour, quelle est ton origine ? Es-tu le premier des dieux immortels, de ces dieux qu’autrefois l’Erèbe et la Nuit toute-puissante engendrèrent sur les flots du vaste Océan ? Es-tu le fils de la sage Cypris, de la terre ou des vents ? Tu parcours le monde, portant aux hommes et les maux et les biens ; ton corps lui-même a une double forme.

Crantor avait une grande originalité de langage et excellait dans l’invention des termes : ainsi il disait d’un auteur tragique que sa voix, mal rabotée, était encore couverte d’écorce ; que les vers d’un poëte étaient pleins d’étoupes, et que les Questions de Théophraste étaient écrites sur des coquilles d’huîtres. On admire surtout son traité de la Douleur. Il mourut d’une hydropisie, avant Polémon et Cratès. J’ai fait sur lui ces vers :

Ô Crantor, une terrible maladie a inondé ton corps et t’a conduit au noir gouffre de Pluton. Là, tu vis heureux ; mais l’Académie est veuve de tes discours, ainsi que Soles, ta patrie.




CHAPITRE VI.


ARCÉSILAS.

Arcésilas, fils de Seuthus ou de Scythus, suivant Apollodore, au troisième livre des Chroniques, était de Pitané, en Éolie. C’est lui qui a fondé la moyenne académie et proclamé le premier qu’il faut s’abstenir de juger, en se fondant sur l’égale autorité des raisons contraires. Le premier aussi il a soutenu le pour et le contre et tourné tout à fait à la dispute le dialogue dont Platon avait donné les premiers modèles.

Voici comment il s’attacha à Crantor : il avait trois frères plus âgés que lui, un frère utérin et deux frères de père. Pylade était l’aîné des frères utérins, et Mœréas, son tuteur, l’aîné des deux autres. Avant d’aller à Athènes, il avait suivi les leçons d’Autolycus le mathématicien, son concitoyen avec lequel il fit le voyage de Sardes. Il s’attacha ensuite à Xanthus, musicien d’Athènes, qu’il quitta plus tard pour Théophraste ; après quoi il entra à l’Académie sous Crantor, contre le gré de son frère Mœréas, qui lui conseillait de s’appliquer à la rhétorique ; mais déjà l’amour de la philosophie l’entraînait irrésistiblement. Crantor, qui avait conçu pour lui un violent amour, lui ayant adressé ce vers de l’Andromède d’Euripide :

Ô jeune fille, si je te sauve m’en sauras-tu gré ? il répondit par le vers suivant :

Prends-moi, ô mon hôte, ou pour ta servante, ou pour ton épouse.

À partir de ce moment, ils furent inséparables. On dit que Théophraste fut sensible à cet abandon, et s’écria : « Quel jeune homme plein d’avenir, quelle heureuse nature mon école a perdu  ! » Et, en effet, lorsqu’il se fut formé à un mâle usage de la parole, lorsqu’il eut acquis d’assez vastes connaissances, il s’appliqua aussi à la poésie. On a de lui quelques épigrammes, celle-ci entre autres sur Attale :

Ce n’est pas seulement par les armes que Pergame s’est illustrée ; la divine Pise a mille fois célébré ses coursiers ; et, s’il est permis à un mortel de pénétrer la pensée de Jupiter, l’avenir lui réserve encore de plus brillantes destinées.

Et cette autre sur Ménodore, qu’aimait Eudamus son compagnon d’études :

Loin de la Phrygie, loin de la sainte Thyatire, ô Ménodore, loin de Cadane ta patrie, tu meurs ; mais, comme on dit, la route qui conduit à l’Achéron est partout ouverte. Eudamus t’a élevé ce magnifique monument, Eudamus dont tu fus le serviteur chéri entre tous.

Il avait une prédilection toute particulière pour Homère, et en lisait toujours quelque passage avant de s’endormir ; le matin, à peine levé, il reprenait sa lecture favorite, en disant qu’il allait retrouver ses amours. Il disait de Pindare qu’aucun modèle n’était plus propre à donner une élocution riche et abondante, une heureuse fécondité d’expressions. Il avait aussi fait dans sa jeunesse un éloge critique d’Ion.

Il suivit les leçons du géomètre Hipponicus, homme d’un esprit lourd et épais, mais fort habile dans son art ; aussi disait-il ironiquement de lui que la géométrie lui était tombée dans la bouche pendant qu’il bâillait. Hipponicus étant devenu fou, il le retira chez lui, et le soigna jusqu’à parfaite guérison. À la mort de Cratès il lui succéda dans la direction de son école, à la place d’un certain Socratide qui se démit de cette charge en sa faveur. On dit que, conformément au principe qu’il avait adopté, la suspension du jugement, il n’a rien écrit ; cependant il y en a qui prétendent qu’on le surprit un soir corrigeant un ouvrage, et les uns assurent qu’il le publia, les autres qu’il le jeta au feu.

Il professait une grande admiration pour Platon, dont il s’était procuré les ouvrages. On a aussi prétendu qu’il avait pris Pyrrhon pour modèle ; enfin il était habile dialecticien et versé dans les spéculations des Érétriens ; aussi Ariston disait-il de lui :

Platon par devant, Pyrrhon par derrière, Diodore par le milieu[17] !

Timon dit aussi de lui :

Tantôt il renfermera dans sa poitrine le lourd Ménédème, tantôt l’épais Pyrrhon ou Diodore[18].

Et en terminant il lui fait dire :

Je nagerai vers Pyrrhon et vers le tortueux Diodore.

Il était sententieux, serré, et appuyait sur chaque mot en parlant. On vante aussi son esprit mordant et sa rude franchise ; c’est pourquoi Timon dit encore de lui :

Tu n’oublieras pas de gourmander les enfants.

Et, en effet, entendant un jour un jeune homme parler à tort et à travers, il s’écria : « Ne réprimera-t-on pas sa langue à coups de fouet ? » Un autre jeune homme livré à un métier honteux, lui ayant dit qu’il ne pensait pas qu’une chose fût plus grande qu’une autre, il lui demanda s’il ne trouvait pas qu’un objet de dix doigts fût plus long qu’un de six[19].

Un certain Hémon de Chio, homme fort laid, mais qui se croyait beau, et se parait avec beaucoup de recherche, lui demanda un jour s’il pensait que le sage pût ressentir de l’amour pour les jeunes gens : « Pourquoi pas, répondit-il, quand même ils seraient moins beaux que toi et moins bien parés ? »

Ce même Hémon, efféminé s’il en fut, lui ayant dit, comme s’il se fût adressé à un homme dur et morose :

Peut-on te faire une question, ou faut-il se taire ?

il répondit :

Femme, pourquoi me parles-tu durement, contre ta coutume ?

Ennuyé par un bavard de basse extraction, il lui dit :

Les enfants des esclaves ne savent pas contenir leur langue[20].

Une autre fois, entendant un bavard débiter force sottises, il lui dit qu’il n’avait pas eu une nourrice sévère. Souvent il ne répondait rien du tout.

Un usurier qui avait des prétentions à l’érudition, ayant dit devant lui qu’il avouait ignorer quelque chose, il lui adressa ces deux vers de l'Ænomaüs de Sophocle :

Les femelles des oiseaux conçoivent sous l’influence des vents, à moins qu’elles n’aient déjà reçu leur faix[21].

Un dialecticien de l’école d’Alexinus expliquait à contre-sens un passage de ce philosophe ; Arcésilas lui cita le trait de Philoxène avec des tuiliers : Philoxène entendant des tuiliers réciter ses vers à rebours, foula aux pieds leurs briques, et leur dit : « Vous gâtez mon ouvrage, je vous rends la pareille. »

Il blâmait vertement ceux qui avaient négligé d’étudier les sciences en temps opportun. Lorsqu’il voulait énoncer un fait dans la discussion, il employait ces expressions : Je déclare ; un tel (en nommant la personne) ne sera pas de cet avis. Beaucoup de ses disciples, non contents de l’imiter en cela, s’efforçaient de copier ses habitudes de langage et toute sa personne. Doué d’un esprit éminemment inventif, il trouvait toujours sous sa main la réponse aux objections, rapportant tous les développements à la question principale, et sachant parfaitement s’accommoder aux circonstances. Il était entraînant et persuasif ; aussi une foule de disciples accouraient-ils à son école, quoiqu’il les traitât assez rudement ; mais comme il était naturellement bon de caractère, et soutenait ses auditeurs par de nobles espérances, ils supportaient volontiers son humeur. Dans la vie privée, il était affable, toujours prêt à rendre service sans aucune ostentation, et aimait à cacher la main qui obligeait. Ainsi, ayant un jour trouvé Ctésibius malade, et s’apercevant de son indigence, il glissa discrètement une bourse sous son chevet. Lorsque Ctésibius la trouva, il dit : « C’est là un tour d’Arcésilas. » Une autre fois il lui envoya mille drachmes. Ce fut aussi lui qui recommanda à Eumène Archias d’Arcadie, et lui fit obtenir de nombreuses faveurs. Libéral et désintéressé, il était le premier à faire les offrandes en argent dans les cérémonies publiques ; et quant aux matières d’or, il approchait plus que personne des offrandes d’Archecrate et de Callicrate. Il obligeait un grand nombre de personnes, et les aidait dans leur détresse. Quelqu’un à qui il avait prêté de la vaisselle d’argent pour recevoir ses amis, ne la lui ayant pas rendue, il ne la réclama pas, et ne lui rappela jamais sa dette. D’autres prétendent qu’il la lui avait prêtée à dessein, connaissant sa pauvreté, et que lorsqu’il la rapporta, il lui en fit présent. Il avait à Pitane des propriétés dont son frère Pylade lui envoyait le revenu, et outre cela il recevait de nombreuses largesses d’Eumène, fils de Philétère ; aussi est-ce le seul roi auquel il ait dédié des ouvrages. Beaucoup d’hommes illustres faisaient une cour assidue à Antigone, et accouraient à sa rencontre lorsqu’il venait à Athènes ; Arcésilas, au contraire, se tenait à l’écart, et ne voulut jamais lui faire aucune avance. Ami intime d’Hiéroclès, gouverneur de Munychia et du Pirée, il allait le voir tous les jours de fête, mais il résista toujours aux instances qu’il lui fit pour le décider à présenter ses hommages à Antigone ; quelquefois cependant il lui arriva d’aller jusqu’à la porte, mais il revenait aussitôt sur ses pas. Après la défaite navale d’Antigone, beaucoup de personnes allèrent le trouver, ou lui écrivirent des lettres de condoléance ; mais Arcésilas s’abstint de toute démarche de ce genre. Envoyé plus tard par ses concitoyens en ambassade auprès d’Antigone, à Démétriade, il échoua dans sa mission.

Il ne quittait guère l’Académie et se tenait en dehors des affaires publiques. De temps en temps cependant il allait passer quelques jours au Pirée, et là il répondait aux questions qu’on lui adressait ; il y était attiré par l’amitié d’Hiéroclès, amitié dont quelques personnes lui faisaient un reproche. Riche et magnifique, car on peut dire qu’il était un nouvel Aristippe, il allait cependant fréquemment dîner chez ses amis, quand l’occasion s’en présentait. Il vivait publiquement avec Théodota et Philéta, courtisanes d’Élis, et lorsqu’on lui en faisait un reproche, il répondait par quelque sentence d’Aristippe. Amoureux des jeunes gens et enclin au plaisir, il avait à subir à ce sujet les invectives du stoïcien Ariston de Chio, qui l’appelait corrupteur de la jeunesse, précepteur de débauche, libertin. Et, en effet, il avait conçu une violente passion pour Démétrius, le conquérant de Cyrène, et pour Cléocharès de Myrléa. On prétend qu’il dit un jour dans un repas, à propos de ce dernier, que, quand il voulait ouvrir, Cléocharès s’y refusait. Lui-même était aimé par Démocharès, fils de Lachès, et par Pythoclès, fils de Bugelus ; s’en étant aperçu, il dit que par condescendance il cédait à leurs désirs. Tout cela donnait large prise aux accusations dont nous avons parlé, sans compter qu’on critiquait son amour de la popularité et sa vanité. Il eut surtout à essuyer de nombreuses attaques dans une fête qu’Hiéronymus le péripatéticien donnait à ses amis, aux frais d’Antigone, le jour anniversaire de la naissance d’Halcyon, fils de ce prince : ce jour-là, Arcésilas évitait à dessein de discuter à table ; à la fin cependant, lassé des provocations d’un certain Aridélus, qui insistait pour avoir la solution d’une question embarrassante, il lui dit : « La principale qualité du philosophe est de savoir faire chaque chose à son temps. » Timon revient à plusieurs reprises sur le reproche qu’on lui adressait d’aimer la popularité ; dans ce passage entre autres :

Il dit et se glisse au milieu de la foule. On l’entoure, comme des moineaux un hibou ; on l’admire en montrant sa sotte figure ! Tu plais à la multitude ? La belle affaire, pauvre insensé ! Pourquoi t’enorgueillir et le gonfler comme un sot ?

Du reste, il était tellement modeste qu’il engageait lui-même ses élèves à aller entendre d’autres maîtres : un jeune homme de Chio lui ayant avoué qu’il préférait à sa manière celle d’Hiéronyme, dont nous avons déjà parlé, il le conduisit lui-même à ce philosophe et lui recommanda de se bien conduire. On cite encore de lui un mot assez plaisant. Quelqu’un lui ayant demandé pourquoi on quittait souvent les autres sectes pour celle d’Épicure, et jamais celle d’Épicure pour une autre, il répondit : « Parce que des hommes on fait des eunuques, mais qu’avec des eunuques on ne fait pas des hommes. »

Sur le point de mourir, il légua tous ses biens à Pylade en reconnaissance de ce qu’il l’avait conduit à Chio, à l’insu de son frère Mœréas, et de là à Athènes. Il n’avait pas été marié et ne laissa point d’enfants. Il fit trois exemplaires de son testament et déposa l’un à Érétrie, chez Amphicritus ; le second à Athènes, entre les mains de quelques amis ; il envoya le troisième dans sa patrie, à Thaumasias, un de ses parents, avec prière de le conserver. L’envoi était accompagné de cette lettre :

ARCÉSILAS À THAUMASIAS, SALUT.

J’ai chargé Diogène de te porter mon testament ; de nombreuses défaillances et l’affaiblissement de ma santé m’ont averti qu’il fallait songer à tester, afin de n’être pas surpris par la mort sans l’avoir témoigné ma reconnaissance pour l’affection constante dont tu m’as donné tant de preuves. Tu as toujours été le plus fidèle de mes amis ; conserve donc ce dépôt, je t’en prie, en considération de mon âge et des liens qui nous unissent. Souviens-toi de la confiance sans bornes que je mets en toi, et fais en sorte de la justifier, afin qu’en ce qui te concerne, mes affaires n’aient pas à souffrir. Ce même testament est déposé à Athènes chez quelques-uns de mes amis, et à Érétrie chez Amphicritus.

Il mourut, suivant Hermippus, dans un accès de délire, par suite d’excès de vin, à l’âge de soixante-quinze ans. Jamais personne n’avait obtenu au même point que lui la faveur des Athéniens. J’ai fait sur lui ces vers :

Pourquoi, Arcésilas, pourquoi boire avec excès du vin pur, jusqu’à en perdre la raison ? Je déplore moins ta mort que l’injure que tu fais aux Muses en buvant à une trop large coupe.

Il y a eu trois autres Arcésilas : un poëte de l’ancienne comédie, un poëte élégiaque et un statuaire, sur lequel Simonide a composé cette épigramme :

Cette statue de Diane a coûté deux cents drachmes de Paros, au coin d’Aratus. Elle est l’œuvre d’Arcésilas, fils d’Aristodicus, digne élève de Minerve et formé par ses mains.

Arcésilas le philosophe florissait, suivant les Chroniques d’Apollodore, dans la cent vingtième olympiade.


CHAPITRE VII.


BION.

Bion était originaire de Borysthène. On sait par la déclaration qu’il fit lui-même à Antigone, quels étaient ses parents et quels furent ses antécédents avant qu’il s’adonnât à l’étude de la philosophie. Ce prince lui ayant dit :

Dis-moi quel est ton nom, ton pays, ta naissance[22],
Bion s’aperçut bien qu’on l’avait décrié auprès du roi et répondit aussitôt : « Mon père était un affranchi qui se mouchait du coude, » — indiquant par là qu’il était marchand de salaison ; — « il était originaire de Borysthène et n’avait point de visage ; mais il portait sur la face des caractères, emblème de la cruauté de son maître. Ma mère, digne compagne d’un tel homme, sortait d’un lupanar. Mon père ayant commis quelque fraude envers le fisc, fut vendu avec toute sa famille dont je faisais partie. J’étais jeune, bien fait ; un orateur m’acheta et me laissa tout son bien. Je commençai par brûler ses écrits, et, lorsqu’il n’en resta plus aucune trace, je vins à Athènes, où je me livrai à la philosophie.

Voilà mon origine, et je m’en glorifie[23].

« Tu sais maintenant ma vie. Que Perséus et Philonidès cessent donc de répéter cette même histoire, et toi, juge-moi par moi-même. »

Bion savait au besoin captiver ses auditeurs par le charme de sa parole et se faire applaudir. Il a laissé une foule de commentaires, ainsi que des maximes ingénieuses et utiles, celles-ci entre autres :

On lui reprochait de n’avoir pas attiré à lui un jeune homme : « Un fromage mou, dit-il, ne se prend pas à l’hameçon. »

On lui demanda un jour quel était le plus malheureux des hommes. « C’est, répondit-il, celui qui recherche les jouissances avec le plus d’ardeur. »

Quelqu’un lui demandait s’il devait se marier (car on lui attribue aussi ce trait) ; il répondit : « Si tu prends une femme laide, tu t’en dégoûteras ; une belle, tu n’en jouiras pas seul. »

Il disait que la vieillesse est le port de tous les maux ; car c’est là que tous les malheurs viennent en foule se réfugier ; que la gloire est la mère des années[24] ! la beauté un bien pour les autres, et la richesse le nerf des affaires. Rencontrant un homme qui avait mangé tout son bien, il lui dit : « La terre a englouti Amphiaraüs, et toi tu as englouti la terre. »

Il avait coutume de dire que c’est un grand malheur que de ne savoir point supporter le malheur ; qu’il est absurde de brûler les morts comme s’ils étaient insensibles, et de les invoquer en même temps comme s’ils sentaient encore ; qu’il vaut mieux abandonner sa beauté aux passions d’un autre que de brûler pour celle d’autrui, parce que, dans le dernier cas, l’âme et le corps souffrent en même temps.

Il disait de Socrate que si, pouvant jouir d’Alcibiade, il ne l’avait pas voulu, c’était un sot, et que s’il ne l’avait pas eu à sa disposition, il n’avait rien fait d’extraordinaire.

« La route des enfers est facile, disait-il encore, car on y va les yeux fermés. »

Il accusait Alcibiade d’avoir débauché les maris à leurs femmes pendant qu’il était enfant, et jeune homme, les femmes à leurs maris.

Étant à Rhodes et voyant que les Athéniens ne s’y appliquaient qu’à la rhétorique, il se mit à enseigner la philosophie ; comme on lui en demandait la raison, il répondit : « J’ai apporté du froment, irai-je vendre de l’orge ? »

Il disait à propos du supplice des Danaïdes, que le châtiment serait bien plus grand si, au lieu de porter l’eau dans des paniers percés, elles la puisaient dans des vases sans trous.

Un bavard le priait de venir à son aide : « Je ferai ce que tu désires, lui dit-il, si au lieu de me solliciter toi-même, tu m’envoies prier par un autre. »

Une autre fois il se trouvait sur mer en compagnie de quelques misérables ; le vaisseau ayant été pris par des corsaires, ses compagnons s’écrièrent : « Nous sommes perdus, si on nous reconnaît ! — Et moi, dit-il, si on ne nous reconnaît pas. »

Il appelait la présomption l’ennemi du progrès.

Voyant passer un riche fort avare, il dit : « Ce n’est pas lui qui possède son bien ; c’est son bien qui le possède. »

Il disait encore que les avares prenaient soin de leur bien comme s’il leur appartenait, mais qu’ils se gardaient d’y toucher comme s’il n’était pas à eux ; que le courage est le propre de la jeunesse et la prudence l’ornement de la vieillesse ; que la prudence l’emporte sur toutes les autres vertus autant que la vue sur les autres sens ; que l’on ne doit reprocher la vieillesse à personne, car nous désirons tous y parvenir.

Voyant un envieux fort triste, il lui dit : « Je ne sais s’il t’est survenu quelque malheur, ou s’il est arrivé quelque bonheur à un autre. »

Il disait que l’impiété est une mauvaise compagne pour la franchise, car

Elle asservit l’homme, quelle que soit d’ailleurs sa hardiesse[25].

Que nous devons conserver nos amis, quels qu’ils soient, pour qu’on ne croie pas que nous en avons eu de méchants ou que nous avons rompu avec des amis honnêtes.

D’abord disciple de Cratès, il abandonna bientôt les doctrines de l’Académie, passa aux cyniques, et prit avec eux le manteau et la besace ; — comment aurait-il pu sans cela parvenir à cette haute impassibilité ? — Plus tard, il devint disciple de Théodore l’Athée, sophiste plein de ressources et versé dans toutes les subtilités de l’art oratoire. Enfin il s’attacha à Théophraste le péripatéticien. Il était bouffon, mordant et caustique, fort habile enfin à présenter les choses par leur côté ridicule. Il savait aussi varier son style et adopter tous les genres, ce qui a fait dire de lui par Ératosthène, qu’il a le premier revêtu de fleurs la philosophie. Il n’excellait pas moins dans la parodie ; en voici un exemple :

Illustre Archytas, harpe creuse ! que tu es heureux dans ta vanité[26] !

Quel homme a pénétré aussi avant que toi dans les profondeurs de la dispute ?

La musique et la géométrie étaient l’objet de ses sarcasmes. Il aimait le faste, et, pour satisfaire ce goût, il courait de ville en ville, sans s’épargner même les plus grossières supercheries : ainsi, à Rhodes, il décida des matelots à l’accompagner, déguisés en écoliers, et il entra avec eux dans un gymnase, attirant par là tous les regards. Il avait aussi l’habitude d’adopter des jeunes gens, afin d’en faire les instruments de ses plaisirs et de pouvoir au besoin compter sur leur appui. Égoïste à l’excès, il répétait sans cesse la maxime « tout est commun entre amis  ; » aussi, quoiqu’il eût un grand nombre d’auditeurs, personne ne voulut jamais s’inscrire au nombre de ses disciples. Cependant il inculqua à plusieurs ses principes licencieux : Bétion, par exemple, un de ses familiers, disait un jour à Ménédème : « Mon cher Ménédème, je couche la nuit avec Bion, et je ne vois pas quel mal il y a à cela. » Les discours de Bion, digne élève de Théodore, étaient encore beaucoup plus obscènes. Dans la suite cependant, étant tombé malade à Chalcis, — car c’est là qu’il mourut, — il se résigna, au dire des habitants, à faire usage d’amulettes et voulut expier ses impiétés envers les dieux. N’ayant personne pour le soigner, il eut beaucoup à souffrir, jusqu’au moment où Antigone lui envoya deux serviteurs. Phavorinus dit, dans les Histoires diverses, qu’il suivait ce prince en litière. Voici des vers satiriques que j’ai faits sur sa mort :

Bion de Borysthène, Scythe d’origine, prétendait, m’a-t-on dit, qu’il n’y a pas de dieux. S’il eût soutenu jusqu’au bout cette opinion, on eût pu croire, toute mauvaise qu’elle est, qu’elle était sincère. Mais il tombe gravement malade ; la crainte de la mort le saisit, et lui, qui ne croyait pas aux dieux, qui n’avait jamais vu un temple, lui qui s’était tant moqué de ceux qui offrent aux dieux des sacrifices, il ne se contente plus d’offrir dans les sanctuaires, sur les autels, sur les tables sacrées, la graisse, la fumée et l’encens que doit savourer l’odorat des dieux ; il ne se contente pas de dire : j’ai péché, pardonnez-moi mes fautes passées ; il confie son cou aux enchantements d’une vieille ; il se laisse couvrir les bras de bandelettes, il suspend à sa porte l’aubépine et le rameau de laurier ; il consent à tout pour ne pas mourir. Insensé ! qui croit que la divinité se laisse acheter et que les dieux n’existent que quand il plaît à Bion de le croire ! Sage enfin lorsqu’il n’est plus temps, lorsque son gosier n’est plus qu’un charbon ardent, il s’écrie encore en tendant les mains : Salut, salut, ô Pluton.

Il y a eu dix Bion : le premier, natif de Proconèse et contemporain de Phérécyde de Syros, a laissé deux ouvrages ; le second était de Syracuse, et a écrit sur l’art oratoire ; le troisième est celui dont nous venons de parler ; le quatrième, disciple de Démocrite, est un mathématicien d’Abdère qui a écrit dans les dialectes attique et ionien ; il a le premier enseigné que, dans certains lieux, il y a des nuits et des jours de six mois ; le cinquième, né à Soles, a laissé une histoire d’Éthiopie ; le sixième a composé sur la rhétorique neuf livres qui portent les noms des Muses ; le septième est un poëte lyrique ; le huitième, un statuaire de Milet, cité par Polémon ; le neuvième, un poëte tragique, de ceux qu’on appelait Tharsiens ; le dixième, un sculpteur de Clazomène, ou de Chio, cité par Hipponax.


CHAPITRE VIII.


LACYDE.

Lacyde de Cyrène, fils d’Alexandre et successeur d’Arcésilas, a fondé la nouvelle Académie. Homme de mœurs austères, il eut un grand nombre d’imitateurs. Dès sa jeunesse, il avait montré une grande ardeur pour l’étude. Il était pauvre, mais affable et d’un commerce agréable. On prétend qu’il était d’une parcimonie outrée dans l’administration de sa maison : ainsi, lorsqu’il avait pris quelques provisions dans son office, il en scellait la porte avec un anneau qu’il jetait ensuite en dedans par un trou, afin qu’on ne pût rien toucher ni dérober de ce qu’il y déposait. Mais les domestiques s’en étant aperçus, rompaient le sceau, prenaient tout ce qu’ils voulaient, et, après avoir scellé de nouveau la porte, ils jetaient comme lui l’anneau à l’intérieur ; ils réitérèrent souvent ce manège, sans être jamais découverts.

Lacyde enseignait à l’Académie, dans un jardin qu’il tenait de la générosité du roi Attale, et qui s’appelait de son nom Lacydée. Il est le seul qu’on sache avoir disposé de son école pendant sa vie : il la céda à Téléclès et à Évandre, de Phocée. Évandre la transmit à Hégésinus de Pergame, auquel succéda Carnéade. On attribue à Lacyde ce bon mot : Attale l’ayant mandé à sa cour, il répondit que les statues demandaient à être vues de loin. Il s’était adonné fort tard à la géométrie ; quelqu’un lui ayant dit : « Est-il temps encore ? » il répondit : « N’est-il pas encore temps ? »

Il avait succédé à Arcésilas, la quatrième année de la cent trente-troisième olympiade, et fut vingt-six ans à la tête de l’Académie. Il mourut d’une paralysie, à la suite d’excès de vin. J’ai fait sur lui ces vers satiriques :

Ô Lacyde, j’ai appris ta destinée ; je sais que, toi aussi, sous l’influence de Bacchus, tu descendis à pas rapides vers Pluton. Peut-on dire après cela que Bacchus, pris à larges traits, ôte les jambes ? Non ! c’est à tort qu’on l’a surnommé Lyæus[27] !




CHAPITRE IX.


CARNÉADE.

Carnéade, fils d’Épicomus, ou, suivant Alexandre, dans les Successions, de Philocomus, était de Cyrène. Après avoir approfondi les ouvrages des stoïciens, et surtout ceux de Chrysippe, il les réfuta, mais avec autant de réserve que de modestie. Souvent on l’entendit s’écrier : « Sans Chrysippe je ne serais pas ce que je suis. » Il aimait l’étude avec passion ; mais il s’attacha plutôt à la morale qu’à la philosophie naturelle. Son ardeur pour le travail l’absorbait tellement qu’il laissait croître ses cheveux et ses ongles. Du reste, telle était son habileté dans la philosophie que les rhéteurs eux-mêmes fermaient leurs écoles pour venir l’entendre. Sa voix était si forte que le directeur du gymnase l’envoya prier un jour d’en modérer les éclats ; il répondit : « Alors, donnez-moi un régulateur pour la voix ; » à quoi l’autre répliqua avec beaucoup d’à-propos : « Tu l’as, ce régulateur, dans tes auditeurs. » Il était vif et pressé dans ses argumentations, invincible dans la discussion. Jamais il n’acceptait une invitation à dîner, par les raisons que nous avons indiquées plus haut[28]. Phavorinus rapporte dans les Histoires diverses, qu’ayant remarqué que Mentor de Bithynie, l’un de ses disciples, aimait sa propre maîtresse, il lui lança, tout en discourant, cette parodie :

Ici habite un certain vieillard bouffi de vanité[29],
Qui pour l’extérieur et la voix ressemble à Mentor[30] ;
J’ordonne qu’on le chasse de cette école[31].

Mentor se leva, et reprit :

Ils dirent, et ceux-ci se levèrent à l’instant.

Il ne paraît pas avoir envisagé la mort avec beaucoup de fermeté ; sans cesse on l’entendait répéter : « Ce que la nature a établi, elle le détruira. » Lorsqu’il apprit qu’Antipater avait mis fin à sa vie par le poison, il eut envie d’imiter son courage, et s’écria : « Donnez-m’en aussi. — Quoi ? lui dit-on. — Du vin miellé, répondit-il. » On dit que lorsqu’il mourut il y eut une éclipse de lune, comme si l’astre qu’on proclame le plus beau après le soleil eût voulu pour ainsi dire prendre part à sa mort. Apollodore rapporte dans les Chroniques qu’il mourut la quatrième année de la cent soixante-deuxième olympiade, à l’âge de quatre-vingt-cinq ans. On a de lui des lettres à Ariarathe, roi de Cappadoce. Quant aux autres ouvrages qu’on lui attribue, ils sont de ses élèves, car il n’en a laissé aucun. J’ai composé sur lui les vers suivants dans le mètre logaœdique et archébulien :

Muse, pourquoi m’imposes-tu d’accuser Carnéade ? Quel est l’homme assez ignorant pour ne pas savoir combien il redoutait la mort ? Accablé d’un mal cruel, rongé par une maladie de langueur, il ne voulut point employer le remède souverain : il apprend qu’Antipater a mis fin à sa vie par le poison, et aussitôt il s’écrie : « Donnez-moi, donnez-moi à boire. — Quoi ? lui dit-on, quoi donc ? — Donnez-moi du vin miellé. » Sans cesse il avait ces mots à la bouche : « La nature qui m’a formé saura bien me détruire. » Il n’en mourut pas moins. Et pourtant il lui était si facile de descendre aux enfers en s’épargnant bien des maux !

On rapporte que la nuit sa vue s’était obscurcie à son insu ; il ordonna à un serviteur d’allumer la lampe, et celui-ci lui assurant qu’il l’avait apportée, il lui ordonna de lire pour s’en convaincre. Il eut un grand nombre de disciples, parmi lesquels le plus illustre est Clitomaque, dont nous allons parler.

Il y a eu un autre Carnéade, poëte élégiaque assez froid.




CHAPITRE X.


CLITOMAQUE.

Clitomaque de Carthage s’appelait Asdrubal dans sa patrie, et y enseignait la philosophie dans la langue punique. Il vint à Athènes, âgé déjà de quarante ans, et suivit les leçons de Carnéade. Celui-ci, ayant remarqué son ardeur pour la science, lui fit étudier les lettres, et cultiva avec soin ses dispositions. Clitomaque, de son côté, grâce à sa persévérance, composa plus de quatre cents ouvrages, et succéda à Carnéade. Il a contribué plus que personne à répandre les doctrines de son maître. Il était également versé dans les doctrines de trois écoles différentes, l’Académie, le péripatétisme et le stoïcisme.

Timon raille ainsi les philosophes de l’Académie en général :

Ni le bavardage informe des Académiciens.

Après avoir parlé des successeurs de Platon, passons maintenant aux péripatéticiens, qui descendent également de Platon, et ont pour chef Aristote.


Notes[modifier]

  1. Il résulte de cette phrase que la vie de Speusippe faisait suite à celle de Platon, sans aucune distinction de livres ; et en effet les anciens manuscrits ne portent pas de trace de cette division.
  2. 343 avant J. C.
  3. Je lis : Σωκράτους
  4. Il n’y a rien de pareil dans Plutarque.
  5. Fête des libations.
  6. Homère, Odyss., liv. X, v, 382.
  7. C’est-à-dire : « on doit y venir déjà dégrossi. »
  8. Ces divers nombres paraissent se rapporter à des ouvrages qui portaient le même titre ; cependant il doit y avoir erreur dans le catalogue de Diogène ; car il est presque incroyable que Xénocrate ait composé sept cent quatre-vingt-trois livres sur le raisonnement.
  9. Je lis : M κ’ β’, σ’ λ’ θ’. Le M est pris ici non pas pour un nombre déterminé (40), mais bien pour μυριάδες. Il a souvent cette valeur dans Diogène.
  10. Étrangers domiciliés à Athènes.
  11. 338 avant J. C.
  12. 311 avant J. C.
  13. Les citoyens les plus riches pouvaient seuls faire cette dépense.
  14. Le texte dit : « au vinaigre et au laser, » substances que l’on employait dans la préparation des onguents.
  15. Il y a ici une grossièreté qui est déjà peut-être trop transparente dans la traduction.
  16. Dème de la tribu ænéide.
  17. Parodie d’un vers d’Homère, Iliade, XXIV, 181.
  18. Je conserve le texte primitif : Μενεδήμον,… θήσεται ἤ…
  19. Il y a ici une grossièreté que l’on peut à peine indiquer dans la traduction.
  20. Vers d’Euripide.
  21. Voir sur cette influence des vents, Bayle, art. Hippomanes. — Le second vers renferme un jeu de mots intraduisible, le mot τόκος signifiant faix et usure.
  22. Homère, Odyss., XX, 325.
  23. Iliade, XXIV, 211.
  24. Elle fait durer et vivre le nom des hommes.
  25. Euripide, Hippolyte, v. 424.
  26. Parodie d’un vers d’Homère, Iliade, III, 182.
  27. Λυαῖος, qui énerve.
  28. Son amour de l’étude.
  29. Ἅλιος signifie en même temps maritime et vain. Homère (Odyss., I, 349) le prend dans le premier sens.
  30. Odyss., II, 401.
  31. Soph., Antig., v. 203.