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de vers, lui fait-il dire, maintenant j'y prends goût, et tant qu'il me durera, je vous enverrai autant de vers qu'il y a d'hommes distingués en France. Ce n'est point Gerbert qui s'exprime ainsi, mais Otton III, son disciple, alors roi de Germanie et depuis empereur. La lettre citée, qui est la cent cinquante-troisième entre celles de Gerbert, en fait la preuve complète. Otton y prie ce cher maître, alors archevèque de Reims, de lui apprendre à fond l'arithmétique et le grec, et s'engage, dans l'ardeur qu'il se sentait pour la versification, à lui envoyer autant de vers qu'il y avait alors d'hommes en France. Expression hyperbolique, à la vérité, mais à laquelle il faut laisser toute son étendue, sans la restreindre par le terme d'hommes distingués qui lui

prescrit des limites extrêmement étroites et qui ne se lit point dans le texte original.

Quant aux autres pièces de vers de la façon de Gerbert, nous n'en connaissons que quatre, qui sont autant d'épitaphes, chacune de quatre grands vers. Elles ont été faites pour orner les tombeaux de l'empereur Otton II, de Lothaire, roi de France; d'un duc, nommé Frédéric, et du scolastique Adalbert. Elles sont imprimées parmi les lettres de l'auteur, et y tiennent la place de la soixanteseixième et des trois suivantes. Ces épitaphes, au reste, n'ont rien au-dessus des autres poésies du temps que le laconisme ordinaire aux autres écrits de Gerbert.

11o De ses poésies il faut passer à ses proses,

ou séquences, qui ont beaucoup d'affinité ensemble. Un auteur de l'Histoire des papes, qui écrivait sur la fin du XIIe siècle, dont le manuscrit, qui se trouve à l'abbaye de Zwetlen, assure que la prose ad celebres, Rex coeli, etc., en l'honneur des anges, est de la façon de Gerbert (PEZ, ib., t. I, par. II, p. 380, 381). Alberic de Trois-Fontaines, qui avait peutêtre puisé ce fait dans l'auteur précedent, atteste la même chose (ALB. chr., par. II, p. 36). Nous ignorons, après tout, si cette prose existe encore quelque part. Elle ne se trouve point dans la collection de Josse Clichtoüe qui en a recueilli tant d'autres.

12o On n'a pas plus de certitude sur l'existence du Traité de rhétorique, que Gerbert composa,

comme il nous l'apprend lui-même dans une de ses lettres à Bernard, moine d'Aurillac (Gerb., ep. 92). Il paraît, par ce qu'il en dit, que ce fut le premier, ou au moins un des premiers écrits qu'il publia après son retour d'Italie en France, et aussitôt qu'il se vit chargé de la direction des écoles de Reims. C'était un volume d'une juste grosseur, puisqu'il contenait vingt-six feuilles, ou membranes, comme on parlait alors; et l'idée que l'auteur nous donne de son mérite doit nous en faire regretter la perte. Gerbert apporta tant de soin à la composition de cet ouvrage, qu'il se flattait que les plus habiles lui feraient un accueil admirable, et qu'il serait d'une grande utilité aux étudiants, pour entrer dans

l'intelligence et saisir ce qu'il y a de plus subtil et de plus obscur dans l'art et les écrits des rhéteurs.

13o Jusqu'ici l'on avait regardé l'écrit anonynme sur l'Eucharistie, publié par le P. Cellot, comme un ouvrage d'Hériger, abbé de Laubes, vers la fin du Xe siècle et les premières années du suivant. Dom Mabillon, auteur de ce sentiment, semblait l'avoir établi d'une manière aussi solide que modeste (Act. ben., t. VI pr., n. 47, 48; An., l. LII, n. 99). Mais les plus savants hommes ne sont jamais infaillibles dans leur critique. Il peut aisément échapper à leur sagacité des découvertes dans lesquèlles d'autres seront plus heureux. C'est ce qui est arrivé au sujet du véritable auteur de l'écrit en

question.

Dom Bernard Pez, l'ayant recouvré sous le nom de Gerbert, qui fut depuis pape, dans un manuscrit de l'abbaye de Gotveich en Autriche, du même temps que celui qui l'attribue à Hériger, a entrepris de le restituer au premier de ces deux écrivains (Anec. diss. p. 69, n. 2; t. I, par. II, p. 132). Et il faut avouer que le titre, écrit en minium de la même main que le corps de l'ouvrage, est déjà une forte preuve en faveur de Gerbert. Preuve qui, jointe à l'identité de style entre cet écrit et les autres du même auteur, est au-dessus de tous les raisonnements de dom Mabillon. En l'abandonnant toutefois sur ce point, on ne lui conteste pas qu'Hériger n'ait aussi écrit sur l'Eucharistie.


L'ouvrage dont il s'agit ici est intitulé: Traité du corps et du sang du Seigneur. Gerbert paraît avoir été déterminé à l'entreprendre par deux motifs principaux: l'un, de montrer que ceux qui, comme Pascase Radbert, soutenaient que le corps de Jésus-Christ dans l'Eucharistie est le même que celui qui, étant né de la Vierge, est mort et ressuscité, et queles autres qui, comme Raban de Mayence et Ratramne de Corbie, prétendaient le contraire, n'ont point eu de différents sentiments sur le fonds du mystère. L'autre motif, qui fit prendre la plume à notre écrivain, fut de faire voir l'absurdité de l'erreur imaginaire des Stercoranistes. On voit par-là qu'encore sur la fin du Xe siècle on agitait ces questions sur l'Eucharistie. Sur ce plan, Gerbert a divisé son

écrit en deux parties. La première, qui est la plus prolixe, il l'emploie à prouver le premier point de son dessein, par un grand nombre de passages tirés des Pères grecs et latins, presque tous fort bien choisis. Il fortifie ces preuves par divers raisonnements pris de l'arithmétique, de la dialectique, de la géométrie, et appuyés de figures, dont on a omis la première dans la dernieère édition de l'ouvrage. Manière de raisonner qui découvre Gerbert à ne le pas méconnaître. Dans tout ce qu'il dit de Pascase, il ne parle de lui et de son ouvrage qu'avec de grands éloges. De même, toute cette première partie est remplie de preuves invincibles de la présence réelle de Jésus-Christ dans l'Eu